Wednesday 21 November 2012

Le petit chaperon violet.

Il était une fois une petite fille de village. Elle vivait seule avec sa mère et bien qu’encore très jeune et innocente, la rudesse du quotidien lui avait fait développer un fort caractère et une grande détermination en toute chose. Elle avait fort bon cœur et un esprit porté vers l’idéal, si bien qu’elle cherchait toujours à ce que chaque tâche fût accomplie de la manière la meilleure et la plus efficace qu’il eût put être. Les goûts précoces de cette enfant étaient déjà bien définis et chaque jour la voyait porter son chaperon favori : un charmant chaperon violet dont un jour son bon parrain lui avait fait cadeau. C’est ainsi que partout on l’appelait le Petit Chaperon violet.

Un jour, sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m’a dit qu’elle était malade. Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. Le Petit Chaperon violet s’empressa d’enfiler ses souliers, vérifia l’équilibre des deux pendants de ses lacets, qu’elle noua fermement, puis parti aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village.

Elle allait comme toujours, de vive allure, et ses cheveux noués, en rebondissant à chacun de ses pas, faisaient sautiller sa silhouette. Entendant craquer les branches sous ses petits pieds déterminés, le loup s’approcha pour l’observer. Le petit chaperon violet avait bonne mine, de jolies joues roses et un mollet bien appétissant pour le loup affamé. Ses grands yeux, verts et candides, la révélaient sans malice et le loup en un instant discerna en elle une proie facile. Cependant, les bûcherons que l’on entendait travailler non loin lui firent mesurer ses ardeurs et il se retint de la dévorer sur le champ.

Le petit chaperon violet était certes dévolue mais aussi bien gourmande, et elle s’était arrêtée au bord du chemin pour ramasser des fraises des bois. Le loup en profita pour l’aborder de la sorte: Bien le bonjour, jeune demoiselle. Que fais-tu seule par ici en ces bois ? Bonjour compère. Rends-moi donc service et prends ce panier, lui répondit le petit chaperon violet, tandis qu’elle cherchait à atteindre un groupe de fraisiers au delà d’un amas de ronces. Je me rends chez ma mère-grand, poursuivit-elle lorsqu’elle en eu terminé. La pauvre est mal en point et ma mère m’envoie lui porter une galette qu’elle a cuit ce matin, ainsi qu’un petit pot de beurre. Ma foi, je lui porterai aussi de ces fraises. En veux-tu quelques-unes ? Il y en a ici bien assez pour trois et tu me sembles bien efflanqué. Habite-t-elle donc loin ? lui demanda le loup, acceptant par obligation les fruits satinés mais salivant pour les doigts tendres qui les tendait. Ma foi, assez oui. Vois-tu le moulin à la croisée des chemins à la sortie de ce bois ? Ma mère-grand habite encore au delà. Eh bien, dit le Loup, je veux l’aller voir aussi ; je m’y en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera.
Ne te donne pas cette peine, lui rétorqua le petit chaperon violet, tirant de sa poche un carnet à la couverture de cuir. Vois: j’ai répertorié ici chaque possible chemin; entre tous, celui-ci est le plus rapide. Celui-là est en réalité plus court, mais la forêt y est trop dense et ralentit le pas. Suis moi, je te guiderai. Sans laisser au loup d’autre choix que de lui emboîter le pas, le petit chaperon violet parti de l’avant.
En chemin, elle fût intarissable. Elle lui conta sa mère-grand, qui toujours elle dormait avec son bonnet, enfouie sous les draps jusqu’au cou, et comme, avec ses cousines, elles jouaient parfois à se faire passer pour la veille femme, prenant sa place au lit si une voisine venait à lui rendre visite alors qu’elle était sortie. Elle lui décrit le système fort complexe de sa serrure, qui disait-on, avait été créé par un inventeur, un original qui avait vécu deux siècles auparavant. À chaque embranchement, elle lui décrivait en détail les inconvénients de cet autre itinéraire et en quoi celui qu’ils empruntaient ensemble était préférable. Le loup la suivait péniblement, affaibli par plusieurs jours de jeun, et épuisé de devoir adopter son rythme énergique. Cependant, toute à son incessant bavardage, le petit chaperon violet n’avait nullement conscience de son désarroi. Ainsi, elle poursuivait gaiement : elle lui relata ses mésaventures, la semaine précédente, lorsqu’en chemin pour le marché, une de ses oies s’échappa, et comme il lui fallût la chercher deux heures durant dans chaque recoin du village. Comme, lorsqu’enfin elle la retrouva, l’heure du marché avait passé et qu’en pleurs elle s’en retourna vers sa demeure. Comme, prenant pitié, un bourgeois du hameau voisin qui s’était attardé lui acheta finalement son oie à fort bon prix. Elle lui décrivit chaque oiseau qu’elle connaissait et ses habitudes, et commenta chaque champignon qu’elle ne connaissait pas. Enfin elle s’interrompit, prenant soudain conscience du silence environnant. Elle se retourna et aperçu au loin le loup affalé au sol. Elle s’empressa de le rejoindre, tenta de le ranimer mais il était trop tard. Terrassé par son babillage, le loup avait péri d’une hémorragie interne.

1 comment:

  1. J'ai bien rigolé... Me demande ce qui a bien pu t'inspirer cette histoire... ^^

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