Thursday 3 January 2013

Ma meuf est mon chien.



On dit souvent que les hommes recherchent une mère, voire leur mère dans leur partenaire. Une de ces fameuses pensées clairvoyantes de la sagesse populaire. Je ne sais ce que Freud en aurait déduit, mais chaque jour qui passe, je réalise avec appréhension qu’en la compagne que j’ai courtisée je découvre un peu plus de mon labrador.

La première fois, elle me fit sourire entre tendresse et amusement. Elle s’endort toujours très vite, presque instantanément et donc généralement avant moi. Ce soir là, ses membres se contractaient spasmodiquement comme cela arrive à tant de nous dans les premières minutes de sommeil. Seulement, elle en montrait une version toute personnelle : une fois les bras, une fois les jambes. Le tout en rythme et en boucle. Quelques heures plus tôt, elle s’était fait une heure de brasse à la piscine en sortant du travail. L’anecdote me fit sourire, puis dans un deuxième effet kiss cool, je réalisai que ces gestes me rappelaient les tremblements endormis de mon labrador dans ses après midi de chasse au chat onirique. Je lui caressai tendrement les cheveux, abrégeant involontairement sa séance de natation nocturne. Elle se retourna et se rendormi paisiblement.


L’épisode me sorti de l’esprit jusqu’au jour où je réalisai son obsession pour la nourriture. Je ne pense pas que son comportement ait évolué à cet égard depuis les débuts de notre vie commune. Peut-être s’est elle sentie progressivement plus à l’aise et l’excès de réserve a-t-il fait place à plus de naturel mais il ne me semble pas que quoi que ce soit ait réellement changé. Ce sont mon regard, ma compréhension qui se sont altérés. Du moment où la lumière se fit, des souvenirs brumeux de moments anodins me revinrent et se combinèrent pour se révéler à moi. Comme mon labrador qui un jour s’était rendu malade en engloutissant un pain de saindoux abandonné sur un tas de fumier, ou un autre avait éventré mon sac poubelle pour dévorer des coquilles de moules, ma copine ne sait s’arrêter face à la nourriture.

Suite à cette révélation, je décidai de mener quelques tests afin de confirmer mes théories. Je remettais en cause mes propres impressions et au fond, je pense que j’espérais pouvoir me démontrer que ces idées n’étaient que balivernes. Je laissai donc négligemment de la nourriture sur le plan de travail ou sur la table du salon. Carré de chocolat, morceau de comté ou restes de spaghettis bolognaise invariablement disparurent. Je l’observai lors de picnics ou de petits déjeuner copieux; tant que je mangeais, elle en faisait de même. Je picorais une dernière tartine, elle aussi. Je me resservais en salade de pommes de terre, elle me tendait son assiette. Enfin, chaque fois qu’il me prenait de grignoter entre ou avant les repas, elle accourrait pour se poster près de moi, sans un mot mais d’un air implorant.

Elle semble également terriblement angoissée par le risque potentiel de manque de nourriture. Il lui faut toujours savoir bien à l’avance de quoi sera fait le prochain repas et les discussions autour des tartines matinales tournent régulièrement en ratatouille ou en brandade de morue. Si par malheur une balade risque de se prolonger autour de l’heure du repas c’est la panique ! Sera-t-on de retour dans les temps ? La journée doit-elle être réorganisée ou un encas prévu ?  L’avantage, c’est que je n’ai généralement pas à me soucier des courses : elle passe la moitié de sa vie au supermarché pour remplir frénétiquement les placards. Mon labrador dans tout ça ? Même tracas. Ne pouvant faire les courses, il garde toujours une pomme à proximité, au cas où. Mûres ou non, il va les ramasser au fond du jardin et les pose près de sa truffe, juste à portée de langue. Parfois il lui en donne un coup, parfois il la grignote mais je suis convaincu que par dessus tout, cette pomme le rassure.

Ma compagne a de long cheveux clairs, très raides, mon labrador le poil court et noir et tous deux les perdent tout autant. Je retrouve des boulettes de cheveux dans mes chaussettes au sortir des lessives et le long du couloir, le blond et le noir s'entremêlent et s’élèvent gracieusement au gré des courants d’air. Ma mère désespère après chacune de nos visites prolongées chez elle et retrouve des mois durant les traces de notre passage.

Sinon, je dois promener mon chien quotidiennement; ça c'est normal et je m'y attendais. Par contre j'ai été plutôt surpris en réalisant que je devais aussi sortir ma copine. Elle ne fait pas ses besoins dans la maison si elle passe la journée à l'intérieur – enfin si, mais comme tout être humain –. Là n'est pas le problème. Elle devient simplement fatigante, nerveuse, elle saute sur place, elle tourne en rond sans savoir ce qui lui manque. Avec le temps j'ai fini par comprendre ce qui lui échappe encore à ce jour, et lui propose toujours d'aller faire un tour histoire de prendre l'air si rien ne nous a poussé ce jour là à quitter nos quatre murs. Heureusement, elle est de nature enthousiaste et conciliante et ne m'a jamais opposé de refus. Je serais bien en peine si un jour elle me demandait pourquoi une balade maintenant et sans but apparent.

J'ai failli oublier. Je ne peux faire deux pas ou changer de pièce sans que l’un ou l’autre me suive. Un corps chaud vient toujours se coller à moi quand je m’installe sur le canapé et ma vie est une lutte quotidienne pour la préservation de mon espace vital.

Là où j’ai de la chance c’est que l’une comme l’autre ont été bien dressés et que tous deux n’aboient que très rarement.

3 comments:

  1. J'ai tellement rigolé que j'en pleure ! Pauvre JB ! Ça m'a rappellé qu'il m'a déjà expliqué que quand tu avais faim tu étais "moody", c'est pareil pour le labrador ?

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    1. Je ne sais pas figure toi. Va falloir que j'enquête, il y a peut-être un paragraphe à ajouter !

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  2. j'arrive un peu tard, j'ai toujours du retards dans mes lectures mais oui c'est un bon autoportrait bien rigolo.

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